La philosophie boomer

J'ai reçu un reels sur Instagram de la part de mon beau-frère de 34 ans. C'était une fausse vidéo faite par IA d'un ours faisant du trampoline — un "boomer trap".

Les boomer traps sont de fausses photos ou vidéos généralement mal faites par IA pour attirer les boomers naïfs. Celle reçue était bien faite, à la première lecture je pensais qu'elle était réelle. Pour me moquer de mon beau-frère, je l'ai traité de boomer — insulte courante de nos jours pour se moquer de toute personne moins à la page.

J'ai pensé à une réflexion que j'ai depuis quelque temps : et si un boomer n'était pas forcément un boomer ?

Un boomer, c'est quoi ?

À l'origine, un boomer est une personne née pendant le baby boom d'après-guerre. C'est la première génération à ne pas avoir connu la guerre mais une période de pleine croissance économique et de prospérité appelée les Trente Glorieuses.

Le stéréotype du boomer, c'est une personne qui n'a jamais eu trop de problèmes, qui a profité de sa vie, a bénéficié d'une maison à prix dérisoire, et qui a tout fait pour en faire le moins possible.

Aujourd'hui ils sont connus pour profiter de la vie sur le dos des actifs, faire les courses quand il y a du monde le samedi matin, ne pas vouloir de nouvelles constructions à côté de leurs maisons et ne pas vouloir s'occuper de leurs petits-enfants. Une génération égoïste : la pire génération.

Tout cela est bien sûr un cliché et heureusement, peu de boomers sont vraiment comme cela — mais comme tout cliché, il y a une part de vérité derrière.

Les boomers sont-ils forcément des boomers ?

Je pensais que c'était une génération différente qui se comportait autrement. Puis, j'ai rencontré des personnes se comportant comme des boomers en étant pourtant plus jeunes, quarante ans, voire même trente ans.

Être un boomer, c'est quoi ?

Être un boomer, c'est refuser d'évoluer, refuser de voir plus loin, de prendre des risques, c'est vouloir en faire le moins possible tout en prenant le plus possible.

Un fait qui m'a marqué récemment est une réunion entre développeurs de 30 à 40 ans à laquelle j'ai assisté discutant de l'utilité de l'IA pour coder. Aucun ne l'utilisait, tous en étaient très critiques : ce n'est pas bien, la qualité du code produit est nulle, le code n'est pas maintenable et on ne sait plus coder par nous-mêmes. J'ai cru revoir mes profs du collège 20 ans plus tôt qui refusaient que l'on utilise Wikipédia lors de nos exposés parce que ce n'était pas sûr et pas de qualité. Il fallait apprendre à chercher par nous-mêmes dans les encyclopédies.

L'histoire se répète, c'est à la fois fascinant et déprimant.

Ces développeurs n'avaient pourtant pas 40 ans et se comportaient déjà comme des boomers. Aujourd'hui tout le monde utilise l'IA, c'est de mieux en mieux — pas un trimestre ne passe sans qu'un nouveau modèle plus performant ne détrône le précédent.

Cela m'a beaucoup attristé de voir des hommes aussi jeunes refuser de vivre avec leur temps et d'avancer.

Autre manifestation typique de ce boomerisme : l'obsession pour l'immobilier comme unique voie d'investissement. Évoquez simplement un ETF ou l'or, et vous verrez ces mêmes personnes paniquer en invoquant des "risques invraisemblables". Leur peur irrationnelle les empêche de voir qu'il existe un univers entier entre un placement diversifié sur un ETF World et la spéculation débridée sur le dernier shitcoin à la mode.

Un dernier exemple frappant : ces jeunes adultes de moins de 40 ans qui s'accrochent désespérément aux "acquis sociaux" qui sclérosent notre société depuis 50 ans. Voir des trentenaires, en pleine force de l'âge, défendre bec et ongles le chômage, les 35 heures, une retraite précoce ou un système de sécurité sociale à bout de souffle, c'est l'illustration parfaite du boomerisme moderne. Plutôt que d'innover et de construire l'avenir, ils préfèrent s'installer confortablement dans un système parasitaire hérité du passé.

Conclusion

L'exemple de mon beau-frère en début d'article n'était qu'une anecdote pour nous mettre dans le contexte — tout le monde aurait pu se faire avoir.

Le boomerisme ne va pas disparaître avec la génération boomer. C'est une philosophie néfaste qui n'a rien à voir avec une génération. Elle existait sûrement avant le baby boom mais l'effervescence économique exceptionnelle d'après-guerre a permis à une quantité importante de personnes de se comporter comme un parasite. Cette création de richesse qui n'a existé nulle part ailleurs dans l'histoire de l'humanité a révolutionné notre société. Avant les Trente Glorieuses, il n'était pas possible d'être un parasite ou ne serait-ce que de faire le minimum — on mourait de faim.

Si la philosophie boomer ne disparaît pas avec la génération boomer, il va falloir mener un combat permanent contre cette mentalité. Face à cette réalité, nous devons cultiver des valeurs opposées : la capacité d'évoluer, l'humilité de nous remettre en question, la curiosité d'apprendre en permanence, l'optimisme face aux défis, l'honneur dans nos actions et le sens des responsabilités. Ces qualités sont les fondements d'une société qui progresse et fait prospérer l'humanité.

La philosophie boomer risque de perdurer mais je pense qu'elle a toujours été présente parmi nous. Cette médiocrité fait partie de la nature humaine et nous accompagnera toujours. C'est à nous de lutter en permanence contre cette tendance et de rester vigilants pour qu'elle ne gangrène pas notre société.