Paris, New York, habiter dans les lieux mythiques

Il y a un certain attrait à vouloir vivre dans des villes de rêve comme Paris ou New York. La vie parisienne, ça fait fantasmer beaucoup de monde : les beaux quartiers, les cafés en terrasse remplis... Netflix en a même fait une série : Emily in Paris.

J'ai habité 5 ans à Paris et la vie y est totalement différente — c'est métro-boulot-dodo. La vie est chère, les appartements minuscules, on n'habite pas dans les beaux quartiers parce que c'est hors de prix, les trajets en transport en commun sont longs et fastidieux.

C'est bien connu, Paris c'est l'enfer à vivre, à l'opposé de l'image faite par les films.

Je n'ai jamais habité à New York, mais je suppose que c'est identique, la vie là-bas ne doit pas être Sex and the City. On n'habite pas dans les beaux quartiers de Manhattan dans des appartements de 150m² mais au fin fond du Queens voire du New Jersey.

J'étais en vacances à Chicago au mois de mai. J'ai remarqué que nous avons une vision totalement différente d'une ville en fonction de si l'on y est temporairement ou de façon permanente, mais aussi en fonction de la période de l'année.

Chicago est une ville splendide, l'architecture est magnifique, la rivière traverse la ville et le lac la longe avec ses nombreuses plages et ports. La ville est à la même latitude que Barcelone donc il fait très beau en été. Je me suis même pris à regarder l'immobilier sur Zillow — Chicago est réputée pour être une ville abordable contrairement aux autres grandes villes américaines.

Mais la vie des locaux doit être bien différente. Ils n'habitent pas Downtown dans les beaux bâtiments près du lac mais dans la banlieue. Et, comme à Paris, ça fait beaucoup moins rêver. Pour les nombreux visiteurs estivaux, la température est idéale. Mais en février, quand la ville se vide, c'est une autre histoire. Il y a des vagues de -10°C pendant plusieurs jours — et personne n'est là pour constater les désavantages que procure alors cette métropole.

Europoor vs Americarich

Il y a un éternel débat entre le rythme de vie américain et européen. Ce débat repose souvent sur des fantasmes : les Américains s'imaginent vivre en Europe avec le salaire américain et les Européens s'imaginent vivre en Amérique avec le rythme européen.

L'Américain fantasme : toucher ses 8k€ mensuels en remote depuis Paris, vivre dans le Quartier Latin et travailler dans un café typique — le rêve absolu.

Et c'est idyllique en effet. Mais c'est à l'opposé du Parisien moyen.

Le Parisien moyen gagne 2,5k€ par mois et habite à Issy-les-Moulineaux. Il fait 50 minutes de métro bondé tous les matins pour aller au travail. Et quand tu paies un loyer 1000€, les 1500€ restants tu ne vas pas les claquer en restaurants et en consos à 10€ dans un café : tu n'as pas les moyens — et surtout pas le temps ! Car quand tu termines à 19h et que tu as 50 min de transports, tu ne peux pas te permettre de sortir souvent. On est bien loin de la vie idyllique projetée par les Américains.

Et c'est pareil dans le sens inverse. L'Européen s'imagine travailler à New York avec les conditions européennes. Les salaires sont bien plus élevés, mais les conditions sont surtout bien différentes. Tu ne deviens pas la première puissance mondiale en ayant 5 semaines de congés par an, 2 semaines de RTT, 2h de pauses le midi et en disant « c'est pas mon rôle », ou « je ne sais pas faire, j'ai besoin d'une formation » dès que l'on te demande de faire quelque chose que tu ne sais pas faire. Tu ne deviens pas la première puissance mondiale en empêchant les entreprises de virer les plus incompétents et les forcer à les garder. Là-bas, tu fais mal ton taff, t'es viré et le prochain prend ta place. C'est pas le CDI à la française.

Et ceci c'est valable dans tous les lieux de rêve, les petits villages de province ça fait rêver. Mais en hiver quand il fait froid et que tout est désert car ces villages vivent du tourisme uniquement l'été, ça fait beaucoup moins rêver. Ajouté à ça l'absence de travail et le full-remote quasi-inexistant en France, il est impossible de vivre dans ces villages paradisiaques.

C'est le paradis en vacances, l'enfer à vivre.

Le Talentueux Mr Ripley

J'ai regardé le film Le Talentueux Mr Ripley récemment. Ce film est un chef-d'œuvre au passage. Il se déroule en Italie en 1959 dans les plus beaux coins : un village de la côte Amalfitaine, à Rome, à Florence et à Venise. Personne ne travaille, tout le monde est riche, tout le monde est habillé de costumes splendides et ils ont de beaux bateaux. Bref la vie de rêve.

À Venise, ils habitent carrément dans la ville — ce qui n'est plus possible du tout. Il n'y a jamais grand monde dans les rues. À Rome, ils vont au restaurant en face de l'appartement situé à Piazza Navona puis marchent jusqu'à la Piazza di Spagna. Je ne suis pas romain, mais je suis persuadé que les locaux n'ont pas les moyens d'habiter dans ces lieux.

Ça fait rêver, mais tout est faux.

Je suis allé en vacances à Torre del Greco dans la banlieue de Naples cet hiver et ça n'avait rien à voir avec Le Talentueux Mr Ripley. C'est pauvre, tout est vieux et en mauvais état, personne ne travaille et les gens sont là à traîner dans la rue. Les gens faisaient la queue à la poste le 1er du mois pour récupérer les salaires ou allocations en liquide.

C'était à l'opposé de l'image idyllique que l'on se fait de l'Italie.

L'Italie vend des vieilles maisons dans certains villages à 1€ pour redynamiser ces lieux. Si ils le font, c'est qu'il y a bien une raison — ces villages « de rêve » ne font pas si rêver que ça finalement. Il y a plein de contraintes.

Conclusion

Quand on compare plusieurs villes, on a tendance à prendre le meilleur de ce que l'on connaît et le meilleur de ce que ce lieu a à nous offrir puis d'en faire un combo final. La vie ne fonctionne pas comme ça.

Notre vie de monsieur moyen ne fait sûrement rêver personne, mais elle est à relativiser face à la vie de rêve que l'on s'imagine quelque part dans le monde.

C'est sûrement mieux de vivre où nous sommes que de vivre dans un paradis transformé en enfer pour monsieur moyen.